Marie Madeleine et Rennes-le-Château : sur les traces de la déesse

par | mercredi 31 août 2022 | Rennes-le-Château

Aperçus historiques et symboliques sur celle qui « achèvera la ruine du monde après celle de Rome »

Marie-Madeleine est essentielle au mystère de Rennes-le-Château. C’est elle qui est statufiée dans le jardin de Saunière, déguisée en Notre-Dame de Lourdes : c’est ce qu’indique la tour qu’elle porte en guise de couronne. Il s’écrit et se dit avec insistance que son « tombeau » est caché en Razès (dans le pech de Bugarach, pour Jean-Alain Sipra). Pierre Plantard, de son côté, n’a pas insisté sans raison sur Isis, dès Gisors et Les Templiers sont parmi nous en 1962. Ensuite L’Énigme sacrée (1982) puis le Da Vinci Code (2003) mirent Madeleine encore plus en valeur. Au point d’en faire à elle seule la figure emblématique du mystère de Rennes, celle qui le synthétise et l’exprime le mieux. Alors de qui s’agit-il ? Allons donc aux sources : l’archétype incarné par Madeleine, c’est Lilith — c’est-à-dire (contrairement à la croyance en vogue) non pas Isis, mais sa sœur Nephtys. Cette dualité se traduit dans l’Évangile par celle de Madeleine et de sa sœur Marthe, toutes les deux issues de Béthanie — la villa Bethania de Bérenger Saunière est donc la maison de Madeleine et de Marthe —, dualité qui se réalise évidemment en trinité avec Marie la Vierge, comme en Égypte avec Neith (ou Nut), Isis et Nephtys, et en Chaldée avec Nammu, Ershkigal et Inanna-Ishtar.

Notre-Dame, à Rennes-le-Château. Marie de la Tour, Meri Miktal : Nephtys. Alors que la Vierge Marie, l’Immaculée Conception, emprunte ses attributs à Isis. Pourquoi cette confusion ?

Lilith : « C’est elle qui, la première, transgresse les ordres de Yahvé » (Joëlle de Gravelaine, Le Retour de Lilith. La Lune noire). Première femme d’Adam, elle se dresse et lui fait front en refusant de se laisser dominer. En particulier quand ils font l’amour : elle refuse de rester en dessous. Révolte ô combien luciférienne, avec pour enjeu, l’égalité des sexes. « Puisque nous sommes nés de la même terre [adamah], pétris du même limon, nous sommes égaux », lui dit-elle. « Et cette revendication, pourtant élémentaire, va entraîner tous les conflits dont notre humaine condition continue de subir les effets. » De fait, Adam se plaint auprès de Yahvé, qui expulse Lilith et la remplace par une femme soumise et docile, Ève. Et nous voilà partis pour quelques millénaires de cette misogynie et cette névrose sexuelle typiques du patriarcat. Les prêtres de Moloch, qui sacrifiaient des nouveaux-nés, et ceux de Mithra, qui sacrifiaient des taureaux, étaient pédérastes, et la pédocriminalité systématique et institutionnelle de l’Église romaine n’a fait que maintenir cet état de fait. (Ernest Renan disait que sans Jésus-Christ, c’est la religion mithraïque qui aurait pris la place de la religion catholique dans l’Empire romain, mais le catholicisme a suivi la même logique générale de mépris et de sacrifice des enfants et des femmes.) Depuis, reprend Joëlle de Gravelaine, « le souvenir de Lilith, transformée en démon et en plaie par le Zohar, en sorcière par l’Église, en vamp’ et en femelle maudite, en menace pour le monde (’’c’est elle qui achèvera la ruine du monde après celle de Rome’’, ainsi qu’il est écrit), fait trembler l’ordre patriarcal ». « Et qu’on s’acharne depuis toujours à la brûler vive, à la faire taire, à la charger de tous les péchés d’Israël et de toutes les peurs des hommes devant le vagin — denté ou abyssal — de la femme, Lilith n’en fait pas moins entendre son chant de sirène et entonne, inlassablement, cet hymne à la liberté qui empêche les hommes de dormir, Déesse merci ! » Il sera cependant permis de faire observer à Joëlle de Gravelaine qu’au lieu d’empêcher les hommes de dormir, Lilith ferait mieux de les (r)éveiller, et avec autre chose que des berceuses de sirène, tant qu’à faire — puisque les sirènes chantent pour charmer, c’est-à-dire séduire, corrompre et posséder, et non pour éveiller, élever ou édifier leurs auditeurs.

Couverture du livre de Joëlle de Gravelaine, Le retour de Lilith, La lune noire.

Le nom Lilith ou Lilitu (et ses variantes Layil, Leila ou Lavlah) est d’origine sumérienne et désigne la nuit, c’est-à-dire la force et l’énergie nocturnes et lunaires, et par extension la femme mystérieuse, soit dangereuse, en mode profane, soit initiatrice, en mode gnostique). Cependant « Lilith » dérive de lil qui désigne le vent, tandis que la racine lul désigne les lèvres (ce dont témoigne encore le français « lippe » et l’anglais « lips »). Cela fait beaucoup en un seul nom ! Le vent symbolise le souffle, c’est-à-dire l’Esprit (Pneuma) : esprit, de spiritus, comme dans spire et respirer. Les lèvres aussi renvoient au souffle et à l’esprit, puisqu’elles assurent l’articulation de la parole, l’expression du Verbe, lui-même attribut divin s’il en est (mais humain également, le langage articulé étant parmi ce qui nous distingue le mieux des animaux). Elles renvoient aussi à la sexualité — féminine en particulier — puisque la vulve est dotée de (petites et grandes) lèvres. (Le sexe féminin aurait-il une parole à exprimer ?) Ainsi Lilith associe dans son nom la nuit, le vent et les lèvres : le potentiel initiatique de la sexualité est clairement indiqué. Tout y est : le caractère nocturne, obscur et tellurique de la « descente aux enfers », prélude à la réception de l’Esprit et à la Résurrection (« seconde naissance »), pour et par — but et chemin à la fois — l’amour de la déesse. 

Sculpture Inanna Ishtar

Car Lilith évoque aussi beaucoup la déesse suméro-babylonienne appelée Inanna et Ishtar, déesse tutélaire de la sexualité, de la guerre et de la guérison. Un mythe sumérien, Inanna et l’Arbre Huluppu, « attribue justement à Inanna-Ishtar le ’’lit sacré’’ comme instrument royal » (Anton Parks, Le Testament de la Vierge), instrument qui lui servait — et c’est là encore une symbolique universelle — à sacrer les prêtres et les rois qui veillent et règnent sur les peuples. Le lit de la déesse est le sanctuaire où s’accomplit l’initiation royale — l’initiation chevaleresque, dite aux « petits mystères » — laquelle inclut l’onction, un rite omniprésent de l’Égypte à l’Évangile. C’est que le mot « messie » dérive de l’araméen mashih qui désignait le rite égyptien de l’onction du Pharaon. Ce rite recourait à de la graisse de crocodile, et il s’agit là (Lawrence Gardner l’avait rappelé) d’un aphrodisiaque. 

Nephtys

En Égypte, la figure de Lilith et d’Inanna-Ishtar s’appelle Nephtys. Elle est la sœur d’Isis, et toutes deux sont rivales avant de se réconcilier. Nephtys commence par quitter Seth (Enlil-Satan, frère ennemi d’Enki-Osiris) avant de rejoindre Isis et Osiris. Elle passe ensuite par un rituel de purification et de rédemption (dans lequel elle franchit sept stades auxquels se réfèrent les « sept démons » que Jésus-Christ a chassés de Madeleine), se donnant le droit d’assister Isis dans le processus de la résurrection d’Osiris (assassiné et dépecé en quatorze morceaux par Seth) en Horus. Puis les deux sœurs continuèrent à se disputer les faveurs d’Horus comme elles s’étaient disputé celles d’Osiris.
La suite se passe dans l’Évangile. Là, Isis et Nephtys se retrouvent chez les deux femmes principales qui entouraient Jésus-Christ, Madeleine (dite Marie de Béthanie) et Marthe de Béthanie, qui étaient également deux sœurs (plus ou moins) rivales. Laquelle est Isis, laquelle est Nephtys ? Dans une lecture religieuse, la première incarne la disciple fidèle et dévouée (Marthe) tandis que la seconde incarne la rebelle, révoltée d’abord et ’’rédemptée’’ ensuite (Madeleine). La première incarne l’ordre, la rigueur, le respect des rythmes (quelque chose comme un Saturne au féminin)… la seconde, vénusienne et aphrodisienne, incarne l’exubérance et l’abondance, l’élégance et la volupté. Alors si elles incarnent toutes deux le « féminin divin », c’est pour l’exprimer chacune de manière différente et complémentaire, comme la Lune banche et la Lune noire.
Par exemple, Nephtys est représentée coiffée d’une tour, symbole du temple. (Le temple et la tour symbolisent le contact avec le Ciel, et on sait l’importance cruciale de la tour Magdala, bâtie par Saunière, dans le mystère de Rennes, y compris au niveau topographique, comme cela est indiqué ici.) Son nom lui-même, Neb-Het ou Neb-Hout (grécisé en Nephtys), signifie « dame » ou « maîtresse du château » (ou de la tour). Il est connu en outre que « Madeleine » ou Magdala (miktal en égyptien et migdal en hébreu) veut dire « tour ». Il est moins connu, en revanche, que migdal signifie aussi « siège » et « lit élevé » (ou « surélevé », comme placé en haut d’une tour…). Revoici le « lit sacré », la couche royale d’Inanna-Ishtar, dont le modèle était celui de la déesse en personne, dans le nid au sommet de son arbre Hulupa ou Huluppu, sur les rives de l’Euphrate. Il est donc logique et légitime, comme le fait Anton Parks, de « penser que dans un lointain passé, la déesse Nephtys a très bien pu porter l’épithète Meri-Miktal, ’’Marie de la Tour’’ (Marie Madeleine) ». Il paraît cependant bien excessif d’affirmer « que les femmes qu’étaient Nephtys, Inanna-Ishtar et Marie-Madeleine ne formaient primitivement qu’un seul individu » : de nombreux siècles séparent l’époque où dieux et déesses étaient parmi nous et l’époque où vécut Madeleine, qui, bien que descendant biologiquement de la déesse (ce qui est banal, chez tous les peuples de tous les temps), n’en était pas moins une femme, prêtresse et initiée d’accord, mais d’abord et avant tout humaine. (Sur les origines réelles de sainte Marie-Madeleine, voir Oliba Cabreta, chapitre 4.)
Et Marthe ? Son existence historique est au moins aussi énigmatique que celle de Madeleine. Car si Madeleine a été considérée comme une prostituée repentie par l’église romaine avant d’être reconnue comme « disciple » en 1969 (« année érotique », donc…), Marthe de Béthanie — qui n’est mentionnée que dans deux évangiles (Luc et Jean) — baigne encore dans une confusion hautement significative.

En araméen, marta est la « dame » et la « maîtresse ». Marthe — qui est du reste la patronne des hôteliers, des cuisiniers et des servantes — a donc la même attribution que Nephtys : dame de la tour et du château, maîtresse de maison, prêtresse du temple. D’après Maria Valtorta, Marthe « possède le génie pratique et intelligent de l’organisation » : le rythme, l’ordre et la rigueur. « Elle est faite pour la maison, et pour être le réconfort physique et spirituel de ceux qui l’habitent ». Cependant, Marthe n’en a pas moins le rôle d’Isis quand elle est présentée comme la sœur pieuse et dévouée d’une Marie de Béthanie (Marie-Madeleine) qui, quant à elle, mène une vie de débauche et de perdition avant d’être convertie et rachetée par Jésus-Christ. Marie et Marthe seront ensuite les deux premiers témoins de la Résurrection, accompagnées pour l’occasion de la « vierge » Sara, qui est leur servante (ainsi que la présentent les Gitans qui l’honorent aux Saintes-Maries-de-la-Mer). Ici s’arrête le parallèle entre l’histoire égyptienne et l’histoire évangélique, car la suite nous est encore mal connue — la fuite et l’installation, en Gaule et en Hispanie, de Jésus-Christ, Marie, Marthe et les autres, formant justement, à partir de là, l’un des principaux aspects du mystère de Rennes-le-Château : celui des seigneurs wisigoths associés au lignage issu de Madeleine et Jésus-Christ. (Sur cette épineuse question, voir les éléments assemblés dans Oliba Cabreta.) 

Il est probable que les Templiers, qui furent très impliqués en Razès, connurent cela, comme le laissent entendre les contacts qu’ils ont noués au Moyen-Orient au XIIe siècle avec des courants gnostiques et initiatiques, héritiers des mystères isiaques. Et comme le montre Anton Parks dans Corpus Deae (2017), il s’agit de l’héritage des « secrets transmis par Isis à Horus et ensuite reproduits par Thot-Hermès » dans ce qui devint la tradition hermétique et gnostique. (Plus de détails ici.) Et dans cette tradition, « on élevait la femme ou plus simplement l’esprit féminin au plus haut degré ». Là est l’origine du Baphomet templier, mot qui provient de l’égyptien Bat-Umet, signifiant « le lien, l’engagement ou la promesse [de quelqu’un] envers la déesse Bat ». Et Bat est exprimée par la déesse Hathor, « antique déesse de l’époque prédynastique, donc de la période très lointaine des premiers rois égyptiens dont les règnes succèdent aux Suivant d’Horus ». Hathor associe les vertus et attributs d’Isis et de Nephtys à la fois. « Le Baphomet représente la déesse égyptienne Bat […] qui mélange à la fois Isis et Nephtys », et « le nom Bat s’est formé à partir des hiéroglyphes Ba (esprit) et At (féminin, vulve, utérus), ce qui donne : ’’Esprit féminin’’. Il s’agit, bien entendu, du Saint-Esprit des chrétiens, image de l’ancienne Déesse-Mère. Se connecter à la déesse Bat, c’est être en lien […] et communier » avec Elle. Voilà en quoi et pourquoi le culte marial, c’est-à-dire l’enseignement de Marie-Madeleine, qui était au coeur de l’ésotérisme templier, explique et constitue en propre le mystère de Rennes-le-Château.

La tentation de Saint Antoine

En 1878, Félicien Rops peignit une Tentation de saint Antoine des plus suggestives, avec, sur le crucifix à la place de Jésus-Christ, une femme rousse, nue et fort disposée à l’amour, devant un Antoine terrifié. (Cependant que le cochon d’Antoine suit la scène avec intérêt.) Qui est cette belle rousse, et que fait-elle sur la croix ? C’est Lilith aussi bien que Madeleine, et tout ce qu’elle veut dire. (En gros, l’égalité des sexes et la dignité humaine, crucifiées par les romano-pharisiens.) Car c’est elle, en réalité — ne serait-ce que sur un plan historique et sociologique sérieux —, qui a été sacrifiée au pouvoir patriarcal : elle, les femmes et la féminité en général, opprimées et martyrisées par les Églises et les pouvoirs religieux et politiques de toute l’histoire d’Occident depuis l’Empire romain. Quant à Antoine l’Ermite, c’est lui — connu pour avoir résisté aux tentations de la chair — que les Romano-pharisiens ont substitué à Madeleine dans tous les lieux de culte jadis dédiés à la fertilité et à la sexualité, comme le somptueux ermitage de Galamus. Et derrière le cochon d’Antoine se dissimule d’ailleurs le sanglier gaulois, animal attribué à Belenos, le dieu solaire (comme Enki ou Apollon). Car le thème religieux de la « tentation au désert » recouvre en fait le culte marial, c’est-à-dire tellurique (païen, géobiologique et présenté comme « diabolique »), à la fois combattu et accaparé par les lignages patriarcaux dégénérés.

Le cochon d’Antoine, symbole païen et tellurique. N’est-ce pas de son groin que le cochon fouaille la terre pour en extraire la truffe, appelée le… diamant noir ? C’est, rien que là, tout un programme.

Où est le rapport avec Rennes-le-Château ? Ici : Lilith passe pour être la mère d’Asmodée, qui est lui-même le gardien du trésor de Salomon. (Il s’agit donc bien du trésor de Rennes-le-Château.) Or Lilith peut aussi être identifiée chez Balkis (Makeda), la reine de Saba, qui fut abusée par le roi Salomon. (Rappel : Balkis ayant refusé de devenir son épouse car il avait déjà de nombreuses concubines, Salomon lui demande de lui accorder n’importe quelle faveur si jamais elle prend quoi que ce soit dans son domaine, et Balkis accepte. Salomon la réduit ensuite à la soif lors d’un repas spécialement asséchant et servi sans eau. Balkis sort de table, parcourt les jardins et prend de l’eau à la rivière, avant que Salomon la surprenne et lui extorque ainsi ses faveurs.)
Moralité ? On peut en déduire ceci : Asmodée assure la garde d’un trésor qui n’est autre que l’amour de sa mère, Balkis-Lilith. Un trésor galvaudé par Salomon (tout comme Adam a galvaudé l’amour de Lilith), qui a voulu se l’approprier par traîtrise au lieu de s’en rendre digne et d’en mériter la découverte. (Autrement dit, Salomon reproduit avec Balkis la couardise et l’hypocrisie d’Adam avec Lilith.) Et cette histoire-là aussi est archétypale : elle est inscrite au plus profond de notre mémoire et de notre psyché (à travers le rôle et l’attitude d’Adam et Salomon chez les hommes et de Lilith et Balkis chez les femmes). C’est cette histoire-là aussi que l’on retrouve — mais résolue et transmutée — dans l’ésotérique de l’amour courtois, la fin’amor des troubadours : la Dame, c’est-à-dire la déesse, présidant à l’initiation chevaleresque et à l’onction royale, après avoir soumis le héros à une série d’épreuves rédemptrices, destinées en somme à racheter la stupidité d’Adam et à gagner la confiance de Lilith. (La même chose se trouve d’ailleurs dans le Tantra hindou.) Le Graal des chevaliers du roi Arthur, c’est donc l’amour de Lilith, source de toute justice et toute vérité. (Y compris au sens génétique, car c’est bien à ce niveau qu’est à situer l’origine du « sang real », le ’’sang bleu’’ d’origine divine.) La nuit, le vent, les lèvres ? L’amour sous toutes ses formes et dans tous ses états : la nuit, qui symbolise la Révélation et la mort à soi-même (œuvre au noir) ; le vent, qui symbolise l’Esprit et la Rédemption (œuvre au blanc) ; et les lèvres, qui symbolisent le Verbe et la Résurrection (œuvre au rouge).

Asmodée dans l'église de Rennes-le-château
Asmodée et sa bouche grande ouverte, symbole dévorateur et destructeur désignant l’oeuvre au Noir, la descente aux enfers : la rencontre avec le dragon, gardien des forces telluriques associées quant à elle à la Shakti ou la Shekinah, manifestée par Kundalini. (Sur cette question, voir le livre « Pierres de foudre« .)

Le 23 avril 2017 (premier tour de l’élection présidentielle), la statue d’Asmodée, dans l’église de Rennes, a été décapitée par une islamiste qui aurait dit qu’elle voulait en finir avec la guerre en Syrie et la guerre en général. En fait elle a dit — en criant et en brandissant sa hache — que les églises et tout le pays appartenaient aux musulmans et que nous allions être virés de chez nous. Suite à quoi elle a été interpellée. (Huit jours plus tard, elle faisait tranquillement ses courses au supermarché de Couiza.) Paradoxe trop grossier pour ne pas signifier autre chose. (D’autant que cette femme peut appartenir aux mêmes réseaux que Mohamed Merah ou que l’assassin d’Arnaud Beltram à Trèbes : une telle intrusion de la géopolitique mondiale — sur fond d’attentats sous faux drapeau destinés à hâter le « clash of civilizations » — indique l’ampleur de l’enjeu centralisé à Rennes-le-Château.) Manière, pour Lilith, de dire que son trésor n’avait plus à être gardé, et que la voie en était ouverte, ce qui permettrait enfin d’en finir avec la guerre, toutes les guerres ? Certes, mais le raccourci est rapide. Le déferlement de colère — ô combien juste et légitime — que son geste a suscité montre au moins que, si tel est le cas, cette voie n’en est pas moins garnie d’épines. Comme une rose. La vérité est à ce prix. Si d’ailleurs « la vérité vous libérera », alors elle n’a pas de prix.

Une vérité rebattue et galvaudée par le milieu new age et cependant aussi authentique qu’il est possible : le « retour du féminin » (titre d’un ouvrage bien évocateur du genre de Christine Page), soit le retour de l’Esprit, soit donc le retour de la déesse. La « surabondance de la grâce » propre à notre « époque diluvienne » (comme disait Abellio) exprime cette montée en force de Lilith (à travers toutes celles qui l’incarnent en le sachant plus ou moins). Déluge de feu : l’archétype de la déesse déferle sur le monde pour en finir avec le patriarcat. (Et si c’était ça, les tempêts solaires et les flux de plasma qui frappent la Terre ?) Car Lilith se retrouve aussi bien chez Jeanne d’Arc, chez la Marianne républicaine et dans la « Liberté guidant le peuple » ou « éclairant le monde », que chez Louise Michel, Janis Joplin ou Amy Winehouse. Et elle en a, des choses à dire. D’une importance capitale. Et « ce que Lilith vient nous rappeler », pour Colette de Belloy (Lilith ou l’un possible), c’est que « la peur et la culpabilité doivent maintenant se transformer en une certaine qualité de joie de vivre ». On ne saurait mieux résumer l’enjeu de notre époque.
Raymond Abellio, dans son Nouveau Prophétisme (1947), décrivait pareillement l’actuelle transition par la disparition de « la peur au cœur des hommes » (et de « la colère au visage de Dieu ») et l’entrée dans un âge de responsabilité et de souveraineté inédites, conditions d’une liberté et d’une créativité inédites aussi (soit l’ère du Verseau). Et Lilith montre encore la voie : celle d’une animalité et d’une sexualité enfin reconnues et assumées, accomplies et intégrées, après des siècles d’oppression et de névrose patriarcales. Et « la sexualité telle que l’incarne Lilith », conclut Colette de Belloy, cela consiste à « inclure dans sa vie une dimension positive de tout son aspect animal », « sans l’affreuse culpabilité des temps anciens », et restituer enfin son caractère sacral et transcendantal à un domaine que la culture patriarcale a profané en le retirant à l’érotique pour le limiter à la procréation biologique et à l’exploitation pornographique. « C’est par Lilith qu’on reviendra à Dieu ». Vive l’amour !

Un aspect du retour de Lilith. Ô combien légitime et nécessaire, quoique non suffisant.

C’est que « Lilith, en effet, dévoile l’indicible » (Joëlle de Gravelaine) : elle est l’initiatrice par excellence. Or « si l’indicible est dit à Adam, c’est comme s’il mangeait du fruit défendu » : il risque l’enflure égotique et l’ivresse de la toute-puissance, voire la folie, la ruine mentale et la perdition (la « chute dans le bourbier »). « Il faut qu’il soit prêt à entendre cette voix formidable, à goûter un savoir qui le dépasse. D’instinct, Lilith sait qu’elle ne peut impunément lui offrir cette liberté. Alors, elle se tait. » Attendant que ce con d’Adam s’éveille, se dresse et se prenne en mains… Jusqu’alors Lilith s’est tue. (Et elle a pleuré, de même que Madeleine.) Aujourd’hui elle prend la parole : c’est qu’en face Adam est prêt à l’entendre et à l’écouter, la comprendre et l’assumer, la reconnaître et renaître en elle. C’est le fruit de l’Arbre de la connaissance : la réintégration Yin-Yang.
Pourquoi Madeleine est-elle donc aussi présente à Rennes-le-Château ? D’abord parce que c’est chez elle et que ce pays plus tard appelé Razès fit auparavant partie de son vaste domaine, temple et jardin pyrénéen, dont l’un des plus grands vestiges est le vaste sanctuaire de Rodes (monastère de Sant Pere, ermitage de Sainte-Hélène) en Catalogne. Ensuite, parce qu’elle descend de Lilith et qu’elle préside à l’amour, qui est le critère essentiel de l’intelligence et de toute connaissance. (Autant dire que la gardienne du secret, c’est elle, avec, comme service d’ordre, Asmodée et son équipe tellurique de choc.) En outre, son amour ayant été blessé, elle porte une revanche, comme celle que la mythologie grecque appelait Nemesis : autant dire cette fois que son amour et son secret ne risquent pas d’être galvaudés. (Asmodée y veille.) Enfin l’ultime objet du mystère de Rennes, c’est la connaissance, à ces niveaux de réalité où l’amour et la vérité se fondent et fusionnent.
Gérard de Sède avait conclu l’avant-dernier chapitre de L’Or de Rennes en disant que « l’outil du chercheur n’est ni le pic ni la pioche : c’est la tête ». Eh bien non : ce n’est pas la tête, c’est le cœur.

Magnifique pentacle, ancré sur le territoire occitan, à la superficie non moins magnifique de 6 618 km2.
La perfection au féminin…
Le pentacle : Vénus.

S T A G E S
"Opération BUGARACH"

  

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